Attention à l’atterrissage!

principetableaudebord[1]Nord Avenir a pris son envol, mais y a-t-il vraiment un pilote dans l’avion ? Au décollage la tour de contrôle a tenu à nous rassurer. « Il s’agissait pour la province Nord » a indiqué son président, Paul Néaoutyine, « d’optimiser le retour de la richesse créée par la valorisation de la ressource minière ». Or, compte tenu du retard de l’usine du Nord, des pertes cumulées par NMC et des faibles retours de SNNC, les passagers sont en droit de se demander où sont et d’où proviennent les retours de cette richesse ? « La SOFINOR se devait de préserver ses intérêts avec ses filiales internationales que sont Glencore, POSCO et Jinchuan autour de son opérateur la SMSP » poursuit-il. Ces mutations auraient, selon lui, conduit la province à créer le vaisseau spatial, Nord Avenir. Or deux raisons majeures, bien différentes de celles communiquées à la presse, sont à l’origine de cette scission entre le pôle mine et métallurgie et le pôle diversification.
La première raison de la scission est d’ordre juridique. Elle découle des conclusions du rapport de la Chambre territoriale des comptes rendu public en 2011. Selon la Chambre, et contrairement aux déclarations de l’ex-président de l’ex-SOFINOR et nouveau président de Nord Avenir, Victor Tutugoro, l’homme au petit chapeau, la diversification s’est opérée en dehors du champ défini par l’article 53 de la loi du 19 mars 1999. En effet, jusqu’au mois d’août 2009, il ne permettait pas aux sociétés d’économie mixte (majoritairement détenues par des collectivités publiques), d’engager des actions concourant au développement économique. La modification de la loi organique en 2009 a alors subordonné les interventions du pôle au respect de la liberté de commerce et de l’industrie, ainsi qu’au droit de la concurrence si cher au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. La SOFINOR exerçait un quasi-monopole de fait et la Chambre l’a invité à analyser son portefeuille d’activités pour déterminer, au regard de ces critères, les sociétés pour lesquelles les risques juridiques encourus justifieraient la cession des participations et une restructuration du groupe.
La seconde raison de la scission est d’ordre financier. Elle provient du fait que ce sont les résultats générés par le pôle mine et métallurgie qui assurent le financement des autres activités largement déficitaires. En effet, sur les exercices 2005 à 2009 correspondant à la vérification des comptes et à l’examen de sa gestion, ce déficit est de 5,25 milliards de francs, soit plus d’un milliard par an. En quelques années, les pêcheries du Nord, le Surf Hôtel et la fabrication de fromage à partir de lait de brebis ont fait faillite. Bien sûr, les porte-paroles de l’ex-SOFINOR ont toujours communiqué sur le chiffre d’affaires consolidé du groupe, mais jamais sur les résultats propres aux autres filières hors mine et métallurgie. Pour autant, si ce pôle représente une part substantielle du chiffre d’affaires et contribue aux bénéfices du groupe, ces derniers ne proviennent pas de la SMSP, peu encline à distribuer le peu qu’elle génère, mais de la SLN (via les dividendes perçus par NORDIL et provenant de la STCPI).
Ces deux raisons, juridiques et financières, se sont révélées déterminantes avec les difficultés rencontrées par la SMSP qui à partir de 2014 se devait de commencer à rembourser les deux emprunts qu’elle avait bien voulu contracter dans le cadre du financement de l’usine du Nord. Les retards dans la mise en service de cette dernière, les difficultés techniques qu’elle rencontre, les pertes cumulées de NMC, son besoin de financer les campagnes d’exploration, les faibles retours de Corée, ainsi que le contrôle fiscal, ont précipité la restructuration. En effet, pour récupérer les deux milliards de trésorerie dont disposait la SOFINOR, le président a procédé à une scission au profit de la SMSP. Il a également permis de mettre fin, du moins sur la place publique, aux querelles intestines entre les deux gestionnaires, l’un se rêvant du haut de ses 80 ans et se persuadant d’avoir absolument tout réussi, et l’autre, connaissant le dessous des cartes mais ne pouvant riposter pour des raisons éminemment politiques.
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